Une enfance bugiste, une vocation céleste
Le ciel du Bugey a souvent des choses à dire à celles et ceux qui prennent le temps de le regarder. Pour Anne-Marie Lagrange, il a été le décor discret mais fondateur d’une vocation née au fil des années. Si elle est née à Lyon, c’est bien ici, à Ceyzérieu puis dans le Bugey, qu’elle a grandi et suivi sa scolarité. Jeudi 19 juin, elle reviendra sur cette terre natale pour rencontrer le jeune public de Belley, à l’occasion du festival Mélimômes, et partager sa passion pour les étoiles… et pour les sciences, à l’occasion d’une conférence intitulée « Autres mondes, autres vies ? Le regard nouveau du télescope spatial James Webb »
Chercheuse de mondes
Aujourd’hui astrophysicienne au Laboratoire d’Instrumentation et de Recherche en Astrophysique à l’Observatoire de Paris, chercheur associée à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble, directrice de recherche au CNRS, professeure attachée à l’Université Paris Sciences et Lettres et membre de l’Académie des Sciences Anne-Marie Lagrange fait partie de ces pionnières qui ont ouvert la voie à une discipline encore jeune : l’exoplanétologie, l’étude des planètes situées en dehors de notre système solaire. À la tête de l’équipe ayant obtenu les toutes premières images directes d’exoplanètes, elle poursuit avec enthousiasme cette quête des origines : « Chercher à comprendre l’univers dans lequel on vit, c’est aussi chercher d’où nous venons et quelle est notre place dans tout cela. »
Polytechnique et passion scientifique
Son chemin n’était pourtant pas tout tracé. Passionnée de physique et de chimie, c’est au fil de ses études – notamment à Polytechnique – qu’elle découvre le métier de chercheuse. Une vocation fondée sur la rigueur des sciences dures (maths, physique, chimie), mais portée par une grande curiosité et une capacité d’émerveillement intacte. Si elle a un jour candidaté pour devenir astronaute, elle insiste : ce n’est pas le même métier, ni les mêmes contraintes. Ce qui l’intéresse, c’est la compréhension en profondeur, le travail de fond.
Une diversité de mondes
Les exoplanètes, on les observe rarement directement. « Elles sont détectées la plupart du temps de manière indirecte », explique-t-elle. Mais l’évolution rapide des instruments a permis des avancées majeures. « Avec mon équipe, nous avons obtenu les premières images de ces planètes. Et lorsqu’on les observe, elles paraissent semblables, mais en analysant leur spectre lumineux, on découvre une diversité étonnante. »
Certaines sont gazeuses, d’autres rocheuses. Certaines tournent autour d’étoiles semblables à notre Soleil. Ce sont elles que les chercheurs ciblent avec une question en ligne de mire : pourrait-elle abriter la vie ? Cette quête de l’« habitabilité » mobilise également les biologistes, dans un dialogue fécond entre disciplines.
Faire aimer les sciences
Au-delà de ses recherches, Anne-Marie Lagrange s’investit aussi dans la transmission. Conférences, rencontres, actions auprès des plus jeunes : « C’est important de dire ce qu’on fait, ce qu’on sait, mais surtout de le dire simplement. » Elle s’adresse aussi bien aux curieux de tous âges qu’aux enfants, qu’elle espère inspirer. Elle en est convaincue : la science est un formidable outil d’émancipation. « Le pays a besoin de scientifiques. La science est une excellente porte d’entrée vers les études, y compris pour les filles. »
Veiller à l’avenir des vocations
Et sur ce point, elle reste vigilante. Elle déplore les effets de certaines réformes scolaires, notamment celle du baccalauréat, qui a contribué à fragiliser la place des sciences dans le parcours des jeunes. « Il faut rester attentif. Trop de jeunes se ferment des possibilités, parfois par méconnaissance ou par manque de confiance. Et les filles, en particulier, doivent entendre que la science n’est pas réservée aux garçons. »
Elle-même n’a jamais vu le fait d’être une femme comme un obstacle, même dans des environnements très masculins comme les classes préparatoires ou les écoles militaires. Ce qui
compte, pour elle, c’est l’élan intérieur, la joie de découvrir, d’explorer, d’aller plus loin.
Une Terre autour d’un autre Soleil ?
Avec une humilité tranquille, elle poursuit aujourd’hui ses recherches, avec son équipe. Son rêve ? Trouver une Terre autour d’un autre Soleil. Et continuer, étape après étape, à faire avancer cette jeune discipline qu’elle a contribué à bâtir. En juin, c’est à Belley que son message atterrira, avec une promesse en filigrane : celle d’ouvrir les regards et les vocations.
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